La colère
- Guy Marion
- 9 oct.
- 7 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 2 jours

Au nombre de billets de blogue que j’ai écrits au sujet de la colère, vous soupçonnez sûrement que la gérer est un défi chez moi. Vous avez raison ! Elle est une émotion capitale dont nous ne pouvons pas nous passer, mais c’est aussi une émotion qui dérange, qui fait peur justement pour nous protéger mais qui peut aussi bloquer la communication (Voir Benoit Hammarrenger, De l’Opposition à la communication). Néanmoins, parfois, j’aimerais bien réagir avec le sang-froid de Cosimo Medici.
Sommaire :
La prévention
Son petit-fils, Lozenzo de Medici est né en 1449. Un jour pendant que son grand-père, Cosimo, rencontre une importante délégation de Lucca (une des principautés italiennes) Lozenzo s’introduit dans la salle de conférence tenant un bâton à la main. Il demande à son grand-père d’en faire une flûte. Cosimo se met à la tâche et transforme le bâton en flûte. Après le départ de l’enfant heureux de l’oeuvre de son grand-père, un des délégués de Lucca manifeste son déplaisir que Cosimo eut interrompu leur importante rencontre.
Gardant son sang-froid, Cosimo répondit, «N’êtes-vous pas des pères ou des grands-pères ? Vous êtes chanceux que mon petit-fils ne m’ait pas demandé de jouer quelques morceaux sur sa flûte. S’il l’avait fait, j’en aurais sûrement joué.» (Extrait de Paul Strathern, The Medici, p. 146)
En fait, Cosimo est demeuré serein malgré le mécontentement du délégué de Lucca. Mais qu’est ce que la sérénité ? Dans Le choix de la sérénité (p. 12), Benoît Saint Girons la décrit comme étant «une force intérieure qui illumine. Elle permet un meilleur contrôle de notre esprit et une plus belle attention à la vie.» Donc ici, on parle de prévention de la colère. Si on est serein, on a beaucoup moins de chance de se laisser emporter par la colère. La sérénité exige une vie saine ! Une vie ordonnée !
Mais qu’est-ce qu’on entend par la colère ?
Voici ce qu’en dit Michelle Larivey dans La Puissance des émotions, p. 55
«La colère est une émotion simple qui traduit l'insatisfaction. Elle se manifeste à l’égard de ce que nous identifions comme étant responsable de notre frustration. Nous éprouvons donc de la colère envers ce qui fait obstacle à notre satisfaction. C'est sur ce dernier point que la colère se différencie fondamentalement de la tristesse (qui traduit aussi une frustration). Dans la tristesse, nous sommes en contact direct avec le manque, alors quel dans la colère nous réagissons à ce qui cause la frustration.
«Nous éprouvons fréquemment de la colère, car la vie quotidienne nous réserve de multiples occasions d'insatisfaction. De plus, certaines insatisfactions perdurent parce que nous négligeons de nous en occuper adéquatement.
«La colère varie en nature et en intensité. Pour ne nommer que quelques-unes de ses manifestations, disons que le mécontentement et l’irritation se situent à une extrémité, alors que l’exaspération et la fureur sont à l’autre.
«Divers types d’insatisfactions s’expriment par une gamme d’émotions relevant de la colère. L’impuissance à se soustraire à une situation non désirée provoque la rage. La révolte est spécifique aux situations où l’on perçoit une injustice. Plusieurs expériences émotives traduisant de la colère sont composites, comme le mépris, la jalousie, la déception, la rancune.»
A quoi sert cette puissante émotion ?
«Chez l'homme, (disons l’être humain) les émotions jouent, sur le plan psychique, un rôle d'informateur, spécifiquement pour ce qui concerne le degré de satisfaction des besoins. La colère surgit lorsque l'équilibre est rompu dans un aspect de notre vie. Le déséquilibre prend la forme générale d'une insatisfaction.
Celle-ci peut signifier qu'un besoin est insatisfait, qu'un désir n'est pas comblé, qu'une attente est restée sans réponse. Peut-être même s'agit-il d'un caprice. La colère porte un double message : elle signale à la fois l'insatisfaction et ce que nous considérons comme faisant obstacle à notre bien-être. La colère, en effet, est toujours vécue à l'égard de quelqu'un, qui peut être nous même ou de quelque chose. Nous en voulons «à» X de nous faire vivre telle chose, de nous empêcher de.»
Plus loin, Larivey ajoute «Comme toutes les émotions, la colère est une saine manifestation d'insatisfaction. Mais la façon dont nous la vivons peut poser des problèmes. Tant qu'elle se développe selon le processus vital d'adaptation, elle conduit à une action «appropriée». Mais lorsque nous agissons impulsivement, en sautant des étapes du processus, les problèmes apparaissent (par exemple, en passant de l’émergence de la colère à l'action). Dans ce cas, l'action ne peut être «unifiante» comme le veut le processus vital d'adaptation. Elle est au contraire inutile ou nuisible. »
Une mise en garde
«Pour vivre sainement notre colère, nous devons d'abord nous considérer comme étant le principal responsable de notre vie. Dans ce cas, nos colères seront plus productives (et plus rares) parce que nous serons rarement confrontées à l'impuissance. Si nous estimons au contraire être à la merci des autres (ou de la vie) nous serons naturellement porté à les accuser de nos frustrations. Dans ce cas, le cortège des stratégies pour déplacer les obstacles peut devenir infini, car la plupart d'entre elles s'avéreront stériles ou malsaines.»
On peut penser qu’une personne colérique est une personne malheureuse, une personne qui ne répond pas à certains de ses besoins psychiques fondamentaux. On peut penser de même de la personne dépressive.
La colère joue un rôle informateur
Pour des exemples où une saine gestion de la colère peut nous amener à clarifier nos pensées, nos sentiments, nos priorités et nos choix, je vous propose Harriet G. Lerner, Le pouvoir créateur de la colère. En anglais, The Dance of Anger. Effectivement, si on peut vivre des moments de colère sans exploser, on peut identifier le ou les besoins frustrés. Son livre abonde d’exemples dont celui-ci. Elle rentre d’une visite prolongée chez ses parents qui habitent très loin de chez elle. Elle les a trouvés en piètre état de santé. De retour chez elle, elle trouve ses deux jeunes fils très agités et en est irritée.
Toutefois, elle prend le temps de s’interroger sur son état d’âme pour réaliser que ses fils ne sont peut-être si dissipés que cela, que c’est elle qui s’inquiète de l’état de santé de ses parents et la rend moins tolérante. Peut-être aussi qu’ils sont plus bruyants parce que leur mère n’est pas disponible à eux pendant qu’elle s’inquiète de l’état de santé de ses parents ? Ou encore que les garçons ressentent l’inquiétude de leur mère?
Cet exemple illustre bien le bienfait d’apprivoiser sa colère quand la moutarde nous monte au nez. Mais comment faire ? C’est dans un autre livre que j’ai trouvé la meilleure réponse.
Que faire quand on se met en colère ?
In M. McKay & P. Rogers, The Anger Control Workbook (traduit par ChatGPT)
D’abord, et c’est le plus important : arrête-toi. Ne dis rien, ne fais rien. N’agis pas sous l’effet de la colère. La colère est une émotion. Elle est forte, mais tu peux la ressentir sans la transformer en action.
Essaie de prendre du recul et de la nommer. Remarque son intensité : observe comment elle te pousse vers l’action. Accepte-la. Il n’y a rien de mauvais en soi dans la colère. C’est simplement un signal que tu souffres. Le seul problème, c’est quand tu la transformes en actes pour blesser les autres ou toi-même.
Ne cherche pas à repousser cette émotion, mais ne t’y accroche pas non plus. Elle vient comme une vague : elle monte, atteint son sommet, puis s’efface peu à peu. Laisse-la venir, puis laisse-la repartir. Observe-la grandir et diminuer comme si tu étais un scientifique étudiant un phénomène intéressant. Veille à ne rien faire qui l’amplifie. Ne t’attarde pas sur l’injustice de la situation.
Ne repasse pas en revue les erreurs passées de la personne qui t’a blessé. Ne rejoue pas dans ta tête les événements qui t’ont mis en colère. Contente-toi de remarquer et d’accepter l’émotion, et regarde-la s’estomper progressivement.
Agir à l’opposé
L’un des moyens les plus rapides de transformer une émotion douloureuse est de faire exactement l’inverse. Pendant ton engagement de vingt-quatre heures à un comportement calme, la colère peut être le signal d’adopter une attitude très différente. Souris au lieu de froncer les sourcils. Le simple fait de sourire quand on est en colère tend déjà à diminuer l’intensité de l’émotion.
Parle doucement plutôt que fort. Exagère même. Baisse ta voix plus que d’habitude, rends-la douce et apaisante.
Détends-toi plutôt que te crisper. Laisse tes bras pendre. Respire. Appuie-toi contre quelque chose de manière décontractée ou assieds-toi les jambes croisées confortablement. Donne l’apparence du calme, même si tu ne le ressens pas.
Prends du recul plutôt qu’attaquer. Tu peux avoir envie de te jeter au visage de l’autre. Tu peux vouloir le secouer – au moins émotionnellement. Au lieu de ça, détourne le regard ou éloigne-toi. Ne fais aucun commentaire sur la situation qui t’a provoqué. Garde cela pour plus tard. Si tu essaies de gérer ça maintenant, tu exploseras.
Fais preuve d’empathie plutôt que de jugement. Dis quelque chose de légèrement bienveillant, par exemple : « C’est une situation difficile pour toi. » « Je comprends pourquoi tu es contrarié(e), inquiet(iète), débordé(e), découragé(e). »
Même si tu ne vis vraiment pas d’empathie et que tes mots te semblent faux, même si tu as envie de frapper l’autre avec un 2X4… agis comme si tu comprenais son point de vue.
Exemples :
« Tu as embouti ta voiture dans la porte du garage ? (en serrant les dents). Quand on est pressé, c’est facile de perdre ses moyens. »
« Tu as eu un D+ à ton examen de maths ? (nœud qui monte dans l’estomac) Tu étais distrait, je pense, mais on peut se remettre sur la bonne voie. »
Pour conclure
En somme, le meilleur moyen d’éviter la colère est de vivre sereinement, mais même une personne sereine vit de la colère à l’occasion. L’idéal à ce moment est d’accueillir la colère, de l’observer comme on observe une vague en mer et de tenter de voir quel est le besoin frustré.
Besoin de conseil ? Contactez Guy Marion, thérapeute conjugal



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